samedi 7 juillet 2007

Quatre constatations

Hier, en me rendant au centre du village (centre-ville de la campagne) pour faire mes commissions, j'ai été témoin d'une bataille en pleine rue. Trois jeunes de 16-17 ans, deux contre un. Au moment où j'allais entrer dans l'épicerie, j'ai vu un de ces jeunes sauter sur un autre jeune qui était en vélo. S'en suivirent des cris, des insultes, des coups de poings et des empoignades, tout sauf de la tendresse. Le troisième participait plus verbalement que physiquement, mais les deux autres y allaient fort.

Quatre constatations.

Première constatation. Pour faire suite à un billet écrit dans une autre vie concernant
cet incident survenu dans le métro de Montréal, je peux confirmer que je suis incapable de ne pas intervenir. En voyant le premier jeune sauter sur le deuxième et le faire tomber de son vélo, j'ai immédiatement viré de bord et je me suis dirigée vers la scène. Aidée d'un monsieur qui s'en est aussi mêlé, nous avons tenté de séparer les jeunes hommes sans manger un coup de poing! :-) (Je mets un sourire, mais je ne riais pas du tout au moment des faits.)

Deuxième constation. Incroyable de voir le nombre de gens qui n'interviennent pas! Du public, il y en avait. Pour un petit village qui compte quelques 1500 habitants, il devait bien y en avoir la moitié pour contempler la scène. Bon, j'exagère un peu (!), mais les gens qui sont passés par là s'arrêtaient et regardaient. Pourtant, le monsieur et moi aurions probablement profité d'un coup de main. Ça nous a pris plusieurs minutes pour séparer les jeunes. Personne ne voulait lâcher prise. Quand on réussissait à en éloigner un, il s'en trouvait un autre pour relancer le flot d'injures et repartir le combat!! Cette deuxième constatation, je la trouve étrange. Hier, je n'ai pas craint pour ma sécurité (encore qu'il y a eu une histoire de bouteille de vitre brisée lancée en plein visage!), mais si j'avais craint pour ma sécurité, jamais je ne me serais plantée là à contempler un tel spectacle. J'aurais appelé les flics, cherché du renfort, quelque chose! En tout cas, je trouve les gens bizarres... Mais peut-être eux aussi m'ont-ils trouvée bizarre d'essayer de séparer trois ados en puissance qui me dépassaient d'une tête et demie chacun! :-)

Troisième constatation. L'insulte suprême chez les jeunes d'aujourd'hui n'a pas vraiment changé depuis mon époque. Les "espèce de fif", "maudite pédale" et "t'es rien qu'une tapette" sont revenues tellement souvent! Triste constatation, s'il en est une. Quand, pour insulter quelqu'un, on le traitera d'autre chose que d'homosexuel, ce sera signe que les mentalités auront évolué...

Quatrième constatation. Se mettre au centre de trois ados qui en sont venus aux poings pour laisser libre cours à leur frustration, ça donne une méchante poussée d'adrénaline. Je n'ai peut-être pas craint pour ma vie, mais ça reste une situation de stress et j'avais la tremblote en faisant mon épicerie.

Et cinquième constation (une de plus!), au nombre de fois où j'ai utilisé le mot "jeune", faut croire que je ne sens plus que je fais partie de cette catégorie. Arrrrgggggghhhhh!

17 commentaires:

Le professeur masqué a dit…

Beaucoup de constats très justes dans votre billet. Pour ce qui est de l'insulte suprême, c'en est désolant.

bibconfidences a dit…

Moi aussi je trouve désolant d'entendre ces insultes. Hélas, je les entends fréquemment dans la cour d'école de la bouche d'enfants qui ne savent pas encore tout à fait ce que ça signifie.
Pour la bataille, félicitation pour le courage!
J'aurais sans doute fait pareil peu réfléchie que je suis :-)
Ce qui me donne à penser à un petit parallèle ... est-ce qu'aller intervenir au centre d'une bataille de jeune c'est comme aller intervenir en Irak au milieu d'un conflit armé? Je me le demande.

Nat a dit…

C'est un drôle de hasard que tu écrives ce billet, car hier matin en sortant du resto, il y avait un monsieur arrêté à côté de notre véhicule. Je me demande ce qu'il regarde plus loin, et j'aperçois 2 jeunes garçons d'environ 10 ans qui se tiraillent. J'étais pas certaine sur le coup si c'était pour s'amuser, jusqu'à ce que je vois un des deux flanquer 3-4 coups de poing dans les côtes et le dos à son "ami". Ça s'est terminé là, le petit gars tentant de reprendre son souffle sans pleurer. J'ai pas eu à intervenir, mais je l'aurais fait. Surtout que mon chum était avec moi. Mais des ados, je pense honnnêtement que seule je n'aurais pas osé, et j'aurais continué mon chemin.

unautreprof a dit…

Je pense que c'est le côté prof en toi aussi qui intervient. On ne pense pas dans ces temps-là, on agit. Hop, dans le tas. Et si on a quelques séparations de batailles sous la cravate, on sait aussi éviter les coups.

Cela dit, je ne sais pas si je serais intervenue. Je pense que oui mais bon. Pourtant, quand je travaillais au secondaire en milieu assez tough j'en ai séparé des batailles et mangé des coups échappés. Mais hors d'une école, aurais-je le même réflexe d'intervention? Chapeau à toi!

Concernant les insultes, en effet, j'ai bien hâte de voir le jour où ces mots disparaitront même si je pense que les jeunes ne les utilisent plus avec la même arrière pensée, ils les emploient plus par "habitude" et par imitation.

Yano a dit…

Félicitation pour ton courage!

Moi non plus je ne comprend pas du tout que pas ou peu de gens interviennent dans une telle situation.

Me semble que ça devrait être naturel...

J. RAFFE a dit…

@ Prof masqué : Oui, désolant...

@ Bibco : Aucun courage là-dedans. Je n'ai même pas réfléchi, j'y suis allée spontanément et je ne suis pas quelqu'un de courageux. Pour le parallèle, tu parles de l'intervention de qui??

@ Nat : Pour séparer deux ti-culs de 10 ans, j'aurais encore moins hésité. J'ai de la pratique dans cette tranche d'âge! :-)

@ Unautreprof : Tu as peut-être raison pour le côté prof. Mais j'étais comme ça avant d'être prof. Alors c'est peut-être ma nature profonde qui m'a amenée à être prof... Quel questionnement! Même si les jeunes utilisent ces expressions par habitude, il n'en demeure pas moins qu'elles sont l'indice, à mon avis, d'une certaine mentalité. Même en colère, je ne lâcherais pas ces insultes à quelqu'un...

@ Yano : Contente de te retrouver ici, mon ami! :-)

bibconfidences a dit…

Parfois j'�cris comme je pense, d�sol�e :-), je faisais r�f�rence � la guerre en Irak, aller d�fendre les batailles des autres, intervenir, et tout le reste, �a m'a juste fait penser � �a. On intervient ici et pas l� on intervient tout le temps quand la violence est l� J'�coute le g�n�ral parler, je suis d'accord avec lui, j'�coute un autre aussi respect� et plein de bon sens qui est carr�ment pour le retrait des troupes, je suis aussi d'accord. Jamais de ma vie je n'ai �t� aussi h�sitante � me prononcer.

A.B. a dit…

Mon parallèle est plutôt insipide, mais il démontre le même comportement sous-jacent que celui qui animait les habitants de ton village, donc je t'en fais part.

Vendredi, je suis allée me faire dorer la couenne (voir ce billet) à la plage avec des amies. Devant nous, deux gars installés qui mangent des noix d'acajou à pleines poignées. Vient un moment où ils quittent leurs noix pour aller jouer au volley-ball. Les goélands n'ont pas mis deux minutes avant d'arriver et de se gaver de leurs noix (les gars avaient oublié de refermer leur pot). Personne n'a levé le petit doigt pour aller le leur dire. Les gens ne regardaient à peu près pas. Tout le monde s'en foutait et les mouettes nous assaillaient allègrement en se bagarrant pour qui aurait le plus gros "cashew". Mon amie (on était trois enseignantes) a fini par aller les prévenir, mais les volatiles avaient déjà tout avalé.
Le comportement du je-m'en-foutisme, on l'observe partout, dans les choses graves comme futiles. Combien de fois j'ai vu des gens échapper un item quelconque par terre, plein de témoins, et moi qui interviens, car les autres se sont contentés de regarder. Les gens, dans ces situations, sont souvent spectateurs; voyeurs.

Moi, je ne serais pas intervenue, car j'aurais eu peur de me faire «ramasser» (je suis petite et malchanceuse de nature), mais j'aurais illico appelé la police et je serais allée demander de l'aide à des gars pour qu'ils essaient de les séparer en attendant l'arrivée des flics.

Les gens sont aussi parfois désolants d'homophobie.

Le professeur masqué a dit…

Safwan: Moi aussi je me serais déguisé en mouette affamée pour zyeuter trois enseignantes à la plage. : )

A.B. a dit…

Professeur masqué:
«Oh! le cochon!»
Dixit Lucien Cheval, contrôleur financier dans Le dîner de cons au sujet de la garçonnière de Pascal Menaud

J. RAFFE a dit…

@ Bibco : Aïe, j'ai peine à lire ton message. Il manque tous les accents. Pourtant, ton commentaire précédent est ok. Je ne comprends pas!!

@ Safwan : C'est presque toujours ainsi, comme l'anecdote que tu racontes. Moi, je suis le genre à fermer le pot et à aller le porter aux gars. Soit que je suis naturellement vers les autres, soit que je ne suis rien qu'une mémère qui ne se mêle pas de ses affaires! Mouahahahah!

@ Prof masqué : Tss, tsss! ;-)

J. RAFFE a dit…

@ Safwan : T'es plus punchée que moi! ;-))

A.B. a dit…

J. Raffe:

On a voulu mettre le couvercle, mais il n'y était pas! On est vraiment des profs ;=)

Je songe même à un complot des deux gars qui sont peut-être des habitués de cette plage et qui «pognent» leurs «proies» ainsi, mais ce serait:
1. paranoïaque;
2. "looser" de "cruiser" à la mouette;
3. vraiment pathétique!

Punchée, moi?!? Jamais de la vie; je dirais plutôt baveuse =) N'oublie pas que je connais Le Professeur Masqué; je ne me serais (peut-être !) pas permis ce commentaire sinon.

J. RAFFE a dit…

Cruiser à la mouette, c'est effectivement pathétique! :-)

Je sais que tu connais le Prof masqué... mais t'es punchée pareil! :-)

Le professeur masqué a dit…

Ouins, Safwan me connaît, ce qui fait qu'elle m'aurait sûrement reconnu sous mon déguisement de mouette.

Pour ce qui est d'être punchée, on va prendre ça comme de l'affection. Il faut dire qu'on se taquinait pas mal...

Anonyme a dit…

Tu as tout de même pris une sacré chance ! Je ne pense pas avoir été capable d'en faire autant, la peur m'aurait sidérée sur place...

J. RAFFE a dit…

Pourtant, je me considère comme une fille peureuse... C'est un peu contradictoire, ma réaction. Je ne sais pas trop quel aspect de ma personne intervient dans des situations comme ça.